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Le Charolais-Brionnais, candidat au patrimoine mondial
Le développement de l'embouche du XVIIe siècle à nos jours Le développement de l'embouche du XVIIe siècle à nos jours Le développement de l'embouche du XVIIe siècle à nos jours

Le développement de l'embouche du XVIIe siècle à nos jours


À partir du XVIIe siècle, l’embouche commence à se développer, entrainant avec elle une mutation du paysage. Cette dernière s’accentue aux XVIIIe et XIXe siècles, principalement en Brionnais. L’élevage naisseur se généralise à l’ensemble du Charolais-Brionnais au cours du XXe siècle, devenant la spécialité du territoire et remplaçant la polyculture.

#Le développement de l’embouche, une affaire de marchands :

Si l’embouche se développe au XVIIIe siècle, quelques personnes pratiquent déjà cette activité au XVIIe siècle. À cette époque, l’élevage des bovins destinés à la vente pour la boucherie est peu répandu. Ce sont principalement les marchands qui pratiquent cette activité, car ils disposent de prés d’embouche et de capitaux suffisants pour le commerce du bétail. À la fois proches du monde rural, producteur, et du milieu urbain, consommateur, ils peuvent adapter la production aux besoins de la consommation.

Les marchands possèdent en général des biens en propre et louent des domaines appartenant à la noblesse ou à l’Église, qu’ils sous-louent parfois à des grangers. Pour agrandir leurs possessions, ils récupèrent les terres des communautés endettées. Certains s’enrichissent. Mais ce système entraine autant de réussites que d’échecs, à l’image de Claude Raquin qui, à la fin du XVIIe siècle, et après avoir été procureur d’office et fermier d’une partie de la seigneurie de l’Étoile, se retrouve simple granger à Briant. Néanmoins, les marchands sont peu nombreux. En 1720, seulement une demi-douzaine sont recensés dans le Brionnais. Leur nombre augmente au XVIIIe siècle. Ils forment une classe dominante de propriétaires. Après la Révolution française, certains profitent de la vente des biens nationaux (biens confisqués au clergé et à la noblesse émigrée) pour agrandir leurs propriétés.


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#Le début de la diffusion de la race :

Au XVIIIe siècle, la race charolaise gagne progressivement d'autres régions, principalement la Nièvre, étape sur la route qui mène à Paris, où certains emboucheurs vont vendre leur bétail. Claude Mathieu, par exemple, s'installe comme fermier dans la Nièvre en 1773, emmenant avec lui ses bovins et ses savoir-faire. Il y trouve des terres avec les mêmes qualités que celles du Brionnais et y pratique l'embouche. Dans son sillage, d'autres familles s'installent dans le Nivernais dans la seconde moitié du XVIIIe siècle et pratiquent cette activité.


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  • La zone d'embouche en Charolais-Brionnais © D. Fayard La zone d'embouche en Charolais-Brionnais © D. Fayard
  • La zone d'embouche en Charolais-Brionnais © D. Fayard

#De l'embouche à l'élevage allaitant :

L'embouche connaît une véritable généralisation dans le Brionnais au cours de la seconde moitié du XIXe siècle, et l'élevage naisseur se développe dans le Charolais. Une séparation a donc lieu entre les pays naisseurs, où naissent les bovins, et les pays d'embouche, où ils sont engraissés. Les éleveurs naisseurs, n'ayant bien souvent pas les moyens d'engraisser les bovins qu'ils élèvent, les vendent à l'état maigre à des emboucheurs qui disposent des meilleurs prés pour les engraisser et les finir. Ainsi, le haut Charolais et les régions granitiques sont des pays naisseurs alors que le Brionnais, le val d'Arconce et les régions liasiques sont des pays emboucheurs.


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Cet essor, à la fin du XIXe siècle, est favorisé par la conjonction de plusieurs facteurs : mauvaises récoltes entre 1858 et 1898, baisse du prix du blé, hausse du prix de la viande de bœuf, réduction de la main-d'œuvre disponible, croissance de la demande de viande urbaine (surtout Lyon et Saint-Étienne), et développement du chemin de fer désenclavant les campagnes et permettant aux régions de spécialiser leur production. L'aménagement des lignes ferroviaires et du réseau routier permet de conduire plus facilement les animaux vers les centres de consommation urbain. Le bétail peut être acheminé plus loin. Les déplacements sont donc facilités, les destinations se multiplient et les nouveaux marchés sont accessibles.

Les marchés et les foires jouent un rôle essentiel dans le système d'embouche. En effet, la division des tâches entre naisseur et engraisseur nécessite des transactions sur le bétail maigre. C'est sur les marchés dit de maigre, organisés dans les pays naisseurs, que les emboucheurs achètent leurs bovins. Après les avoir engraissés, ils les vendent sur le foirail de Saint-Christophe-en-Brionnais ou sur les champs de foire à Charlieu, Villefranche, Lyon ou Paris.


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#L'embouche, une activité saisonnière :

L'embouche est une activité saisonnière jusqu'à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Les emboucheurs ne gardent pas d'animaux à l'étable pendant l'hiver (sauf quelques vaches à lait et quelques bœufs). Ils achètent leurs bœufs au printemps, les engraissent et les revendent progressivement avant l'hiver. Jusqu'au début du XXe siècle, ils font deux embouches par an. Les premiers bovins sont achetés en février-mars pour être revendus fin mai début juin. Au même moment, les emboucheurs achètent de nouvelles bêtes et les vendent en octobre ou en novembre.


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  • Des bovins charolais en Amérique du Sud dans les années 1960 © Herd-Book Charolais Des bovins charolais en Amérique du Sud dans les années 1960 © Herd-Book Charolais
  • Des bovins charolais en Amérique du Sud dans les années 1960 © Herd-Book Charolais

#L'amélioration et l'exportation de la race dans le monde :

Dans le même temps, la race charolaise fait l'objet d'une amélioration et d'une sélection. En Charolais-Brionnais, la sélection se fait surtout en race pure. Plusieurs propriétaires nobles ou bourgeois prennent part à ce développement. Ainsi, sous l'impulsion de Jean-Baptiste-Augustin Bouthier de Rochefort, député de Saône-et-Loire pour l'arrondissement de Charolles entre 1876 et 1891, la Société d'Agriculture de Charolles est créée le 3 novembre 1880 ainsi que le herd-book de la " race bovine charollaise pure " en février 1887. En 1920, ce dernier fusionne avec celui de Nevers et prend le nom d' " herd-book de la race bovine charolaise ". Le cousin de Bouthier de Rochefort, Jean-Baptiste Charles Bouthier de la Tour, expérimente, lui, l'hivernage, c'est-à-dire l'engraissement des bovins à l'étable pendant l'hiver.


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L'amélioration de la race est le résultat d'un travail de longue haleine et d'une adaptation de facteurs biologiques, agronomiques et économiques en lien avec l'amélioration des terres, des cultures et des prairies. En Charolais-Brionnais, le perfectionnement de la race se fait dès l'époque moderne à partir d'une population bovine réputée pour son aptitude à l'engraissement. Les animaux de différentes souches sont accouplés entre eux, limitant les mélanges de races. La charolaise peut consommer de l'herbe en grande quantité et la transformer rapidement en viande. Le savoir-faire des éleveurs repose sur leur capacité à sélectionner les animaux et à gérer l'herbe. À partir d'une race locale patiemment améliorée et des ressources herbagères liées à une géologie particulière, les éleveurs ont forgé un élevage de haute qualité. La race charolaise, en ingérant la même quantité de nourriture que les autres races, produit plus de viande ce qui explique son succès mondial.

La race charolaise s'exporte dans le monde dès le début du XXe siècle. L'une des premières exportations a lieu en 1910 vers l'Argentine. Il faut attendre les années 1960 pour voir les exportations s'intensifier, confortées par la croissance de la demande en viande ainsi que l'amélioration des communications entre les continents. La race connaît alors un essor considérable. Elle s'adapte aux différents climats et résiste bien aux intempéries, aux insectes, à l'humidité du sol et aux maladies. Désormais présente dans le monde entier, elle sert à l'amélioration d'autres races à viande ou laitières. Le croisement de taureaux charolais avec des femelles d'autres races permet de réduire leur durée d'engraissement et d'augmenter leur gain journalier. Ainsi, la race charolaise s'impose comme la première race bovine mondiale.